De la musique expérimentale pour de la physique expérimentale

En utilisant la technique de la sonification, le physicien et compositeur Domenico Vicinanza a rendu hommage au CERN à l’occasion de la cérémonie organisée pour le 60e anniversaire du Laboratoire. Après des mois de dur labeur, il a transformé en musique la Convention du CERN et les données du LHC.

 

Cliquez ici pour télécharger la composition complète de « LHChamber music ».

Tout anniversaire mérite des cadeaux, et le 60e anniversaire du CERN ne fait pas exception. Le Laboratoire a reçu deux cadeaux exceptionnels, grâce au travail de Domenico Vicinanza, physicien et compositeur. Il a créé deux morceaux de musique expérimentale en appliquant la technique de la sonification à la Convention du CERN ainsi qu’à des données enregistrées par les quatre détecteurs LHC pendant la première période d’exploitation. « Cette technique nous permet d'"entendre" les données, grâce à un algorithme qui traduit en notes les nombres ou les lettres. Les informations contenues dans un graphique ou un document sont donc conservées, mais sous une forme plus esthétique, explique Domenico Vicinanza. Le résultat se veut une métaphore de la coopération scientifique, dans laquelle différentes "voix" et perspectives pourraient parvenir au même objectif simplement en "jouant" ensemble ».

Les données d’une même source pourraient être sonifiées de plusieurs manières, et c’est là qu’intervient le génie du compositeur : « Je choisis la manière de faire correspondre les données à des paramètres musicaux puisque, comme avec n’importe quelle composition, j’ai dû prendre des décisions concernant le choix de l’échelle, des instruments, du moment où joue chaque instrument, du timbre, du tempo, etc., précise Domenico Vicinanza. J’ai créé différentes lignes mélodiques, et, quand tous les instruments ont joué ensemble, la magie a opéré. Le même principe s’applique à la recherche scientifique, domaine où le soutien et la coopération permettent d'obtenir de brillants résultats. »

La Convention comporte plus de 28 000 caractères, et chacun a été traduit en une note : même lettre, même note. L’algorithme n’a pas fait tout le travail ; l’élément humain était essentiel dans le processus de création.  « Il m’a fallu plus de 250 heures pour sonifier la Convention, mais je voulais vraiment rendre hommage à ce qu’elle représente réellement : la paix, au-delà des divergences politiques, dans le but commun de la recherche scientifique », explique le compositeur. Pendant la cérémonie du 60e, l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne*, dirigé par le chef d’orchestre Vladimir Ashkenazy, a joué la Convention sonifiée par Domenico Vicinanza, qui a donc dû écrire les partitions de chaque instrument.  « L’orchestre, dont les musiciens représentent à l’origine les 28 États membres de l’Union européenne, a eu l’amabilité d’accepter de modifier sa composition de manière à compter 42 jeunes musiciens issus des États membres et des États observateurs du CERN, afin de transmettre le message d’harmonie et de paix qu’ils partagent avec notre Organisation », explique Paola Catapano, du groupe Communication du CERN, co-productrice, avec Domenico Vicinanza, de l’œuvre jouée par l'orchestre.

Pour la composition LHChamber music, sept instruments ont été enregistrés dans les quatre cavernes abritant les expériences et dans le Centre de contrôle du CERN. « Les scientifiques ont joué la musique créée à partir des données sur lesquelles ils ont travaillé, dans les lieux mêmes où ils travaillent, explique Domenico Vicinanza. La mélodie jouée par chaque instrument a sa propre raison d’être, comme les recherches qu'ils ont menées, mais c'est seulement quand elles sont jouées ensemble que vous ressentez l'harmonie qui s'en dégage ; cela rappelle le principe selon lequel le tout est plus que la somme de ses parties. En écrivant les partitions tirées de ces données, je me suis senti comme l’alter ego musical d’un chercheur ».

* Cliquez ici pour télécharger l'enregistrement mp3 de l’Orchestre des jeunes de l’Union européenne. 

Le saviez-vous?

« Le boson de Higgs, ça ne se voit pas mais ça s’écoute » titrait France Info numérique le 1er octobre au sujet de la vidéo LHChamber Music. Ce n’est que l’un des 36 médias du monde entier (notamment du Royaume-Uni, de Chine, d’Inde, des États-Unis, d’Italie, de France, du Canada et même de Palestine) qui, entre le 29 septembre et le 4 octobre, ont parlé de la vidéo postée sur YouTube par le CERN ; ces médias touchent, ensemble, un lectorat de plus de 198 millions de personnes ! Avec un nombre de vues sur YouTube qui a bondi de 9 000 à plus de 20 000 en moins de 24 heures, pour atteindre 50 000 en une semaine, LHChamber Music est sans conteste la vidéo du CERN qui a eu le plus de succès en 2014, et elle figure dans le top 10 de l'ensemble des vidéos publiées par le CERN sur sa chaîne YouTube. LHChamber Music a également fait le buzz sur Twitter : en neuf jours, l'expression « CERN music » est apparue dans 1 147 tweets de 1 039 contributeurs, parmi lesquels des supporters inattendus du CERN, comme la Royal Philharmonic Society au Royaume-Uni !

 

par Rosaria Marraffino