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Sonder l’asymétrie entre la matière et l’antimatière grâce à l’intelligence artificielle

À l’aide d’un algorithme d’intelligence artificielle de pointe, la collaboration CMS a obtenu le premier indice d’une violation de CP dans la désintégration du méson B étrange en une paire de muons et une paire de kaons chargés

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Le détecteur CMS ouvert pendant le deuxième long arrêt du complexe d’accélérateurs du CERN (2019-2021). (Image : CERN)

Quand on se regarde dans un miroir, on voit son image identique à ce qui est reflété, mais dont la droite et la gauche sont inversées. En physique des particules, lors d’une transformation respectant la symétrie charge-parité (CP), une particule est remplacée par son équivalent dans l’antimatière, dont les propriétés, telles que la charge électrique, sont inversées.

Les lois physiques qui gouvernent la nature ne respectent toutefois pas la symétrie CP. Si c’était le cas, l’Univers contiendrait des quantités égales de matière et d’antimatière, comme c’était probablement le cas juste après le Big Bang. Pour expliquer le grand déséquilibre entre la quantité de matière et d’antimatière observées dans l’Univers actuel, on doit nécessairement supposer que la symétrie CP est, dans une large mesure, transgressée. Le Modèle standard de la physique des particules explique une partie de la violation de CP, mais il ne suffit pas à rendre compte du déséquilibre actuel entre la matière et l’antimatière, ce qui pousse les scientifiques à poursuivre l’étude de la violation de CP dans toutes ses manifestations connues et inconnues.

L’une des manifestations de cette violation de CP se produit lors du « mélange » de mésons électriquement neutres, tels que le méson B étrange, composé d’un quark étrange et d’un antiquark bottom. Ces mésons peuvent se déplacer à des distances macroscopiques dans les détecteurs du Grand collisionneur de hadrons (LHC) avant de se désintégrer en particules plus légères. Durant leur trajet, ils peuvent se transformer en antimésons, puis redevenir des mésons.

Ce phénomène, appelé « mélange des mésons », pourrait être différent selon qu’il ait lieu dans un sens (un méson se transformant en antiméson) ou dans l’autre (un antiméson se transformant en méson), ce qui constituerait une violation de CP. Pour vérifier cela, les scientifiques doivent mesurer combien de mésons ou d’antimésons survivent après une certaine durée avant de se désintégrer, puis répéter le processus pour différentes durées. Pour cela, il est nécessaire de séparer les mésons des antimésons, procédé appelé « étiquetage de la saveur », essentiel pour identifier la violation de CP dans le mélange des mésons et dans l’interférence entre le mélange et la désintégration des mésons.

Lors d’un séminaire organisé récemment au CERN, la collaboration CMS a annoncé avoir obtenu le premier indice d’une violation de CP dans la désintégration du méson B étrange en une paire de muons et une paire de kaons chargés.

En déployant un nouvel algorithme d’étiquetage de la saveur sur un échantillon d’environ 500 000 désintégrations du méson B étrange en une paire de muons et une paire de kaons chargés, collecté lors de la deuxième période d’exploitation du LHC, la collaboration CMS a mesuré avec une précision accrue le paramètre qui détermine la violation de CP dans l’interférence entre le mélange et la désintégration des mésons. Si ce paramètre est de zéro, cela signifie que la symétrie CP est respectée. Ce nouvel algorithme repose sur une technique d’intelligence artificielle appelée « réseau neuronal graphique », qui réalise un étiquetage exact de la saveur en rassemblant des informations sur les particules entourant le méson B étrange et celles qui sont produites simultanément.

La collaboration a ensuite combiné les résultats obtenus avec les mesures précédentes du paramètre basées sur les données de la première période d’exploitation du LHC. Le résultat combiné est différent de zéro et conforme à la prédiction du Modèle standard et aux mesures effectuées par CMS et par les expériences ATLAS et LHCb.

Il faut relever que le résultat combiné présente un niveau de précision comparable à celui des mesures les plus précises du monde pour ce paramètre, obtenues par LHCb, un détecteur spécialement conçu à cet effet. De plus, sa signification statistique dépasse le seuil fatidique de 3 sigmas, ce qui permet de conclure au premier indice probant d’une violation de CP dans la désintégration du méson B étrange en une paire de muons et une paire de kaons chargés.

Cette annonce marque une étape importante pour les études de CMS sur la violation de CP. Grâce à l’intelligence artificielle, CMS a repoussé les frontières de ce que peut réaliser un détecteur dans l’exploration de l’asymétrie fondamentale matière-antimatière.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de CMS.